Les puristes vous diront que la photo de rue se pratique avec des focales courtes, qu’il faut se rapprocher au plus près des victimes jusqu’à sentir leur haleine. Je suis de moins en moins d’accord avec ce principe. J’aime beaucoup aller au contact avec un 35 mm ( monté sur un reflex 24 x 36, il va sans dire ). Les photos percutent beaucoup plus. Mais la street peut aussi être appréciée avec un peu plus de distance. La photo agressive qui consiste à pénétrer l’espace vital des gens m’attire beaucoup moins qu’autrefois. Tout le monde s’est engouffré dans ce sport. Lorsque dans un moment d’égarement, je me remets à photographier les passants, j’ai tendance à prendre du recul. Oui alors mes photos peuvent paraître pépères mais elles correspondent mieux à mon tempérament aujourd’hui. Par contre, les longues focales ne me conviennent absolument pas dans la rue. La limite acceptable, en ce qui me concerne, se situe au 50 mm.
J’ai pris cette photo au 50 mm. Mon premier réflexe fut de m’avancer vers les banc. Je me suis stoppé assez loin pour pouvoir fermer le cadre de part et d’autre en m’appuyant sur les troncs d’arbres. Avant, j’aurais certainement cherché à me placer à moins de deux mètres du personnage sur le banc. Là, je me suis reculé afin d’aérer mon cadre. Je ne sais pas si la photo aurait été meilleure en étant plus proche. Ce que je veux aujourd’hui, c’est installer une action dans un cadre même si je dois perdre en dynamique.
Mon avis est qu’il ne faut pas s’imposer un style parce que celui-ci est mille fois liké. Si vous aimez le style tranquille, si vous préférez prendre de la distance par rapport à votre sujet, alors il faut être en accord avec vous-même, avec votre façon de voir les choses. Mes propos ont le goût d’une lapalissade mais à force de voir la compétition que se livrent les photographes de rue dans cet exercice de style, ce n’est peut-être pas idiot d’insister sur ce point.
J’aimerais bien savoir ce qu’en pensent les photographes experts de la rue. Mon ami Patrice Cotteau, fervent défenseur de la street photography à l’américaine, a un avis bien tranché sur la question :
Cadrez large
Ainsi, si l’on en croit Bob Capa, si ce n’est pas bon c’est parce que vous n’êtes pas assez près ou si vous n’êtes pas près, c’est mauvais. A contrario, cela signifierait que toute photo prise de près est bonne…
C’est un débat qu’on peut avoir s’agissant de la réflexion de quelqu’un qui a surtout fait de la photo de presse où, comme on peut le constater chaque jour dans les journaux, le sujet doit remplir le cadre et être dépourvu de tout décor, ce qui confine à la platitude absolue, à la composition de niveau zéro et à l’intérêt réduit à sa plus simple expression. Etre sur le sujet ne veut pas dire être dedans.
Un sujet qui ne « respire » pas dans son entourage, dans son contexte et qui se retrouve isolée de tout environnement, ça s’appelle une photo d’identité. J’ai déjà dit ce que je pensais des « bourreurs de cadre » et de ceux qui poussent le vice jusqu’à regarder les photos à l’envers pour surprendre les espaces vides, les « trous » d’après certains.
Laissez vivre vos photos, donnez leur de l’air, de la perspective. Situez toujours le sujet dans son « jus ». Il est vrai que la photo de presse ne respire pas et qu’elle se contente d’un constat, d’un fait, d’un événement, qu’elle doit être de lecture facile et compréhensible au premier coup d’œil. La photo d’ambiance, elle, a besoin d’espace, de plans successifs.Patrice Cotteau.
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