Cette fâcheuse tendance à vouloir posséder toujours plus de matériel photo
Avant d’effectuer un achat, je prends toujours le temps de peser le pour et contre. De cette manière, j’arrive à me raisonner et me freiner si une dépense n’est pas justifiée. Mais je suis comme tout le monde. Quand un appareil ou un objectif me fait envie, il est parfois difficile de résister. La preuve, le Nikon F100 dernièrement acquis n’était absolument pas une priorité. J’avais depuis longtemps un petit faible pour ce reflex très bien conçu. Une opportunité s’est présentée. J’ai craqué. Maintenant que le F100 fait parti du sac photo des commandes pros, il a toute son utilité mais il ne répondait pas à un besoin impérieux. Il fait doublon avec les fidèles Canon EOS 3 que j’utilise en reportage depuis longtemps. Mis à part le fait qu’il soit plus compact, plus léger et moins bruyant que les Canon, les caractéristiques du Nikon sont identiques à celles de l’EOS3. J’ai parfois des scrupules quand l’un des deux Canon est à l’abandon. Je me dis que c’est très pratique d’avoir un boîtier de secours mais je déteste voir du matériel prendre la poussière.

On se trouve toujours de bonnes raisons pour chaque nouvelle future acquisition. J’ai besoin de cet objectif pour améliorer mes photos de paysages. Avec ce petit boîtier très discret, je serais plus rapide et efficace en photographie de rue. Or il n’en est rien. Ce sont souvent de faux prétextes parce qu’on a envie de s’offrir un bel objet. Cette frénésie cache parfois un manque d’inspiration ou une incapacité à faire évoluer notre photographie. Acheter un énième boîtier est bien souvent un mauvais calcul même si ce dernier s’avère très performant.

Trop de boîtiers
Il y a un avantage à posséder plusieurs boîtiers argentiques, celui de pouvoir les charger avec des films différents. Autrement dit, vous n’êtes pas obligé(e) de terminer un film noir et blanc si l’envie vous prend de passer à la couleur. On peut envisager une pellicule couleur dans un boîtier, du film noir et blanc dans un second boîtier et un film très sensible dans un troisième par exemple. C’est de cette manière que je fonctionne en reportage mais en vrai deux boîtiers suffisent pour ce genre de travail. Il est inutile, voire contreproductif d’emporter trois ou quatre appareils argentiques sur un mariage.

Le piège, quand on possède trop de boîtiers, est d’entamer plusieurs films sans jamais vraiment terminer les projets en cours. Aujourd’hui, il fait beau, je vais sortir avec le Nikon et une pellicule 100 ISO. Je n’irai peut-être pas jusqu’au bout de la pellicule, la météo annonce un ciel couvert en fin d’après-midi. Peu importe, j’ai un second boîtier dans lequel je mettrai un film de 400 ISO. Et si le manque de luminosité m’empêche de travailler, je peux toujours reprendre mon projet inachevé de photos de nuit à 1600 ISO avec cet autre reflex oublié dans le placard depuis un mois. J’ai le choix. Oui, mais c’est justement là le problème. On risque de se disperser. Le travail peut très bien ne jamais être vraiment abouti.

Honnêtement, la sensibilité en argentique n’est pas vraiment un problème. Il est possible d’exposer un même film à différentes sensibilités. Le développement lent permet de résoudre la problématique des variations d’expositions. Le Rodinal, par exemple, est un révélateur qui convient bien au stand-dev. Le développement est beaucoup plus long qu’un développement classique mais le rendu est surprenant. Une autre solution consiste à tout photographier à 800 ISO, en intérieur comme en extérieur. Une focale fixe lumineuse permettra de pallier aux basses lumières. Par contre, en extérieur, il faudra s’assurer de fermer suffisamment le diaphragme pour ne pas trop surexposer. Sinon, des reflex comme le Canon EOS 3 permettent le retrait de la pellicule au beau milieu pour passer à un film plus sensible. Il faut juste noter le numéro de la vue sur laquelle on s’était arrêté et redémarrer par la suite le film à ce numéro. Il y a toujours une solution.

Je possède plusieurs boîtiers reflex mais bien souvent, c’est le Canon EOS 33 que j’aime emporter. C’est en quelque sorte mon compagnon de route lors des sorties photos du dimanche. Tout en étant assez discret, il a de sérieux atouts pour les prises sur le vif et en plus il accepte tous mes objectifs pros. Le problème est que lui aussi vient en concurrence avec le reste de mon équipement 24×36. Le Nikon FM2n fait très bien le job également. Je n’ai pas besoin de l’autofocus tout le temps. Il monte au 1/4000 et se case dans n’importe quelle sacoche mais il est rarement mis sous tension.

Autre point, je m’encombre le moins possible lors de mes déplacements. Je ne veux pas être ralenti par le poids d’un sac photo. Le matériel ne doit pas être une préoccupation, ce serait au détriment du sujet. Les projets photos personnels sont presque toujours menés avec un seul boîtier et un seul objectif. Par conséquent, avec autant de choix, les petits reflex Canon AE1 et Minolta X700 tournent peu finalement. Si j’embarque le Canon EOS 33, les autres boîtiers attendront leur tour. Je tiens à maintenir une cohérence sur l’ensemble du travail. La cohérence devrait aussi être de mise dans le processus de développement de chaque film mais j’avoue ne pas être constant en ce moment. D’autres photographes vont plus loin dans la simplification du processus en photographiant toujours avec le même boîtier, la même focale et le même film. Certains capturent systématiquement des scènes de nuit à 1600 et 3200 ISO. Ils ont de ce fait un portfolio cohérent et très identifiable.

Trop d’objectifs
Je ne saurais vous dire combien d’objectifs un photographe devrait posséder. Tout dépend de la personne, de ses besoins et de son domaine d’activité. Je sais que dans mon cas, trois objectifs suffisent pour couvrir un événement familial, un grand-angle, une longue focale et un zoom transtandard. Au delà, je prends le risque de perdre un temps précieux. Trop d’objectifs à disposition me pousse à l’indécision. Au lieu de se concentrer sur le job et de réfléchir à la manière d’appréhender le sujet, on encombre notre cerveau avec des choix de focales. Six des objectifs utilisés sur les Canon EOS 5D MKIII peuvent être montés sur les deux reflex argentiques. Cela offre beaucoup de possibilités mais en même temps, on peut aussi se noyer dans un trop grand choix de combinaisons boîtiers – objectifs.

C’est vrai que c’est super de pouvoir utiliser une longue focale dans certains cas et de disposer d’un grand-angle dans d’autres. Mais ce n’est pas la meilleure façon d’améliorer notre production d’images. Si on bascule d’une focale à l’autre constamment, il est difficile d’acquérir des automatismes, en terme de distances et de cadrages. On se disperse trop. On travaille moins efficacement. J’ai un zoom stabilisé polyvalent mais le 35 mm F1.4 sera peut-être plus judicieux à ce moment précis. Je peux garder le 135 mm F2 sous la main pour les photos de couples mais que faire du 85 mm qui me suit normalement tout le temps ? Le 50 mm est génial à pleine ouverture mais en intérieur le 24 mm est plus adapté etc, etc…

Bon je vous rassure, j’ai mes habitudes de travail en ce qui concerne les reportages mariages et parfois j’emporte très peu de matériel. Lors de la dernière prestation que j’ai réalisée cet hiver, je n’avais que le 35mm et le 85mm avec moi. J’ai sorti le 135 mm à deux occasions seulement et parce que le timing me l’autorisait. Les clients ne se sont pas plaints de ne pas avoir de vues du château au grand-angle. J’ai juste pris un peu plus de recul en utilisant le 35 mm. Honnêtement, je connaissais l’endroit. Je savais déjà comment opérer à l’intérieur et à l’extérieur du manoir. J’aurais pu regretter de ne pas travailler davantage les effets visuels qui impressionnent les non-initiés aux techniques photographiques mais le reportage rendu est complet et les mariés sont satisfaits. Ils le sont parce que j’étais présent à chaque instant et que j’ai su couvrir l’événement dans son ensemble. C’est l’essentiel.

Accepter les limites de son matériel photo
Etre limité par son équipement n’est pas une mauvaise chose. Il ne faut pas le voir comme un handicap. Au contraire, les contraintes techniques nous obligent à rester inventif. Le photographe fait preuve d’une plus grande créativité quand les possibilités techniques sont restreintes. Si on ne peut pas éviter le flou, alors tant pis, on fera avec mais on apprendra à le maîtriser. Je pense qu’il ne faut pas essayer de résoudre systématiquement les contraintes techniques par l’achat d’un nouvel appareil ou un nouvel objectif. On peut apprendre à les contourner.

Je pense faire un tri prochainement dans mon matériel photo, à la fois côté pro et côté perso. Je ne le fais pas pour suivre la tendance actuelle dictée par les minimalistes convaincus mais dans le but d’optimiser mon travail. Et puis, c’est fatigant de transporter autant de matériel à chaque fois et de ne pas savoir où l’entreposer par peur des vols. Je ne suis pas un collectionneur. Mon matériel doit servir. Quand on est passionné(e) par les beaux objets et moins par la photographie, c’est une autre histoire. Là, je parle en mon nom. À suivre …
Bonjour, je me retrouve parfaitement dans ce dilemme ! Et pourtant, je n’ai que trois boîtiers, mais j’ai du mal à gérer pour ma part !
Trois boîtiers, ce n’est pas excessif. Si en plus, ce sont des appareils différents : compact, reflex et autre format. Merci Pascal.
Bonjour Fred, c’est marrant, je préparais un article sur le même thème car je me posais les mêmes questions que toi, parfois pour d’autres raisons. Globalement, oui, nous avons tendance à prendre trop de matériel, sachant que chaque appareil, chaque objectif, choisis soigneusement pour ses capacités, vont répondre à un besoin précis à l’instant T … qui vient rarement et que nous résolvons avec ce que nous avons, in fine, sous la main. Sans perdre la qualité et/ou l’originalité de notre composition, parce que nous avons appris « à faire avec ». Mais c’est difficile de rationaliser … il est si chouette cet Eos, il est magnifique ce X700, que de souvenir avec ce FTb, etc. Allons courage, nous allons nous alléger. Bon weekend Fred.
Le tout est de savoir si un ultra grand-angle ou ce Contax G1 ou encore ce Nikon F6 sont vraiment nécessaires ou s’il ne s’agit pas d’une lubie passagère. Je suis tombé plusieurs fois dans le piège. Ensuite, c’est compliqué de s’en extirper parce qu’on s’y attache. Il y a des boîtiers avec lesquels j’adore cadrer, composer, déclencher et d’autres ne sont que de vulgaires outils de travail. Ce que je sais c’est que je ne fais pas du bon boulot si j’ai trop de matos avec moi.
Bonjour Fred, less is more en effet ! Je crois que c’est une courbe commune à beaucoup de gens qui font de la photo en tant qu’amateur ou auteur, je souligne cette distinction car quand on est professionnel de la photo, je pense qu’il faut pouvoir répondre à des demandes précises qui parfois demandent un matériel précis qu’on loue pour l’occasion. En tout cas, plus j’avance dans ma pratique, plus je fais « léger », un boitier, une optique et du films et déjà rien que ces trois éléments demandent pas mal de travail pour en tirer le meilleur, cela permet d’éviter des idées comme : « ah si j’avais telle optique ou tel boitier, ça serait mieux », non ça ne sera pas mieux ! C’est un peu une fuite pour éviter de se concentrer sur l’essentiel à mon avis, son regard, l’optique et le boitier ne doivent être que le prolongement du regard, et tout d’un coup le matériel devient secondaire une fois qu’on a trouvé celui avec lequel notre regard se confond.
Tu as entièrement raison Nicolas. Côté pro, et en fonction de sa spécialité, le photographe a besoin d’un certain nombre d’objectifs et de boîtiers sans parler de l’éclairage de studio ou des flashs cobra, ni des accessoires. En reportage mariage, on est face à des situations très différentes et cela demande parfois un équipement adapté. Lors des préparatifs, je peux être amené à prendre en photo les bagues, bijoux et autres accessoires des mariés. Un objectif macro n’est pas indispensable mais il est le bienvenu. Le grand-angle, par exemple le 24 mm est très souvent recommandé pour les pièces exigües. Cela arrive très souvent pendant les préparatifs de la mariée. Un objectif comme le 50, le 85 ou le 135 est indispensable pour les séances portraits, idem pour les discours et les cérémonies religieuses / laïques, une longue focale reste intéressante. On peut combiner zooms et focales fixes pour pallier à toutes les situations. Il faut aussi au minimum, deux boîtiers en cas de pépin. De ce fait, le photographe mariage est souvent tenté d’acquérir toujours plus de matériel pour ne pas se retrouver coincé. Mais ce n’est pas forcément une bonne solution. Certains sont très à l’aise avec l’idée d’embarquer trois reflex, 6 objectifs, 4 flashs, des supports de flash et plein d’accessoires pour modifier la lumière. Personnellement, j’ai beaucoup de mal à jongler avec autant d’outils.
Grand débat…moi aussi, j’ai trop de boitiers, trop d’objectifs. Mais ils ont aussi leurs signatures; on aime forcément !
Et puis les boitiers argentiques, quand on les a connu neufs sous la vitrine de la première Fnac lilloise…le prix actuellement d’occasion nous donne accès à des trucs inaccessibles à l’époque ! tu as du matériel canon ET Nikon ET Minolta (il manque même un peu d’Olympus dans le paysage…et puis un petit M2 ou 3 ou/et vissant !).
Oui, ton débat sur les contraintes apportées avec un seul boitier, 2 ou 3 objectifs et se débrouiller avec ça, c’est réel, ça apporte de la créativité, on connait par coeur son boitier, le calcul de la cellule, si il sur-ex trop ou pas, le cadrage avec l’image à 95% ou plus etc…et ensuite, on peut prendre ses images les yeux fermés ou presque ! pour un amateur, de la street et de la maison, c’est vrai.
Bah, mais quand on aime…ta collection est superbe. Le FM2 me fait de l’oeil…avec un ancien objectif non AI (c’est possible non ? de coupler un FM2 avec un ancien objectif et d’avoir quand même l’apport de la cellule ? il y a une transformation à faire je crois…)
Effectivement, ces boîtiers qui nous ont fait rêver sont maintenant plus accessibles, même si les prix de l’occasion ont énormément grimpé ces 15 dernières années. J’ai lâché deux Olympus OM. Parfois, je le regrette. Les M sont trop chers à mon goût. Il n’y a pas plus discret que le télémétrique mais je peux m’en passer. Pour le non AI, je ne suis pas sûr. Je n’ai que le 50 mm AI. Par contre, un compact tout terrain serait le bienvenu dans ma collection. J’aimais bien le MJU II. J’en ai eu deux, eux aussi revendus pour une bouchée de pain. Son prix d’aujourd’hui dépasse le prix de vente en neuf de l’époque. Du grand n’importe quoi. J’ai beaucoup voyagé avec le Leica Minilux ( le seul Leica que j’ai possédé de toute ma vie ) Il a fini par se bloquer, l’animal. Je devrais plutôt me débarrasser de tout ce matériel numérique qui pèse et qui ne m’apporte aucun plaisir à manipuler.