
La photographie argentique est pour beaucoup un jeu, une passion, un hobby. Sa place n’est plus légitime auprès des photographes professionnels. Heureusement, elle n’a pas perdu de sa superbe. Elle est restée fidèle aux artistes et aux irréductibles. Quel que soit le secteur d’activité, le professionnel ne peut plus produire en argentique et en vivre comme avant, à part peut-être dans le milieu artistique. Le monde de la presse, de la publicité ou de l’entreprise en général, tout le monde réclame des prix bas et une réactivité de dingue de la part du photographe. Le numérique a tout accéléré. J’observe avec intérêt les nouvelles tendances du marché mais cela ne m’empêche pas d’avancer à mon rythme avec de la pellicule. Quand pour certains, l’argentique est un passe-temps, elle est pour moi une nécessité, un refuge. Je souhaite de tout cœur pouvoir créer, encore pendant quelques années, des images avec le matériel argentique et les films que j’affectionne. L’avenir est incertain, l’activité déjà fragile. Si les prix des matières premières continuent de flamber et les commandes clients de chuter, ce sera la fin d’un rêve. Je pourrais toujours honorer les commandes en numérique et partager cette histoire d’amour dans le blog en exposant quelques films pendant mon temps libre mais ce ne sera plus pareil.

La photographie de rue en argentique, c’est bien gentil mais ça ne nourrit pas son homme. Je ne connais personne dans mon entourage professionnel qui puisse prétendre vivre honnêtement de la vente de tirages ou de l’édition de livres. Photographier des spectacles ou des scènes de rues en argentique entretient la forme et cultive l’inspiration. Le blog Histoires de photos, nourri de photographies argentiques, capte l’attention de nouveaux adeptes de la pellicule et aussi de quelques sympathiques Gaulois rompus à l’exercice de la chambre noire mais c’est tout. Les articles m’amènent davantage de questions d’ordre technique auxquelles je ne peux pas toujours répondre et génèrent de moins en moins de contrats. Seule une poignée d’artistes, auteurs chanceux s’en sortent relativement bien financièrement et peuvent se permettre de pratiquer l’argentique à temps plein.

Le professionnel qui ose encore travailler en argentique est confronté à un dilemme : produire en quantité pour pas cher avec des coûts de production toujours plus élevés. Comment faire accepter aux clients un tarif supérieur à la moyenne pour deux fois moins d’images ques les confrères ? Le client est capable de comprendre le pourquoi du comment quand on lui explique bien les choses mais son porte-monnaie lui ne sera pas d’accord. Le reportage exclusivement argentique doit être réservé à une clientèle fortunée qui non seulement apprécie le rendu argentique mais qui en plus acceptera quelques imperfections et une quantité limitée d’images. Autrement dit, la cible est fortement restreinte. Alors, je ne vais pas vous mentir. Par moment, j’ai envie de ralentir et de me résigner. À terme, il n’est pas impossible que l’argentique disparaisse de mon activité pro. Un jour peut-être, je ne pourrai plus assumer une commande client avec de la pellicule. Le numérique aura gagné.
Ce bilan est bien morose, Fred. Effectivement, l’argentique redevient « à la mode », à commencer chez les Japonais, ce qui fait grimper les prix même de l’occasion. Cela peut redevenir une occupation de « nantis » qui n’attendent pas après ça pour manger, comme ce fut le cas au début de la photographie.
Il n’empêche, d’illustres photographes continuent de travailler en argentique (Depardon) Il n’y a qu’une élite pour le savoir et apprécier la différence entre un tirage jet d’encre et un bromure d’après film. Le prix des photos classées « art » grimpe, eux ! L’argentique devient une valeur refuge pour les boursicoteurs.
En activité professionnelle, il ne peut plus y avoir que du numérique. L’argentique, c’est le repos et le plaisir du professionnel.
Tu as raison Patrice. Je ne suis pas un artiste alors la question sera vite tranchée. Les commandes clients devront être traitées en numérique et les travaux du dimanche seront réservés à la pellicule juste pour le plaisir. S’adapter ou mourir !
Peut être … Mais les règle de base restent, l’image reste conçue de la même manière c’est l’instant, la lumière ainsi que l’intention du photographe qui font l’image quelque soit le medium utilisé.
Le numérique permet aussi des prises de vues interdites à l’argentique j’ai souvenir d’avoir ‘tué’ un boitier pour avoir osé le sortir sous la neige lors d’une sortie à ski de nuit : l’obturateur a gelé sur place et s’est tordu au delà du réparable et mes moyens de l’époque m’ont interdit de le faire remplacer – un mirrorless d’aujourd’hui n’aurait pas bronché; l’hypersensibilité des capteurs permet de remettre le flash au placard et et de prendre des images bien plus tard dans la nuit, l’obturateur électronique permet de monter à des vitesses bien au delà de ce que permet la mécanique capturant des images dans des conditions de lumière totalement inatteignables jusqu’ici
Chaque ère a ses contraintes et les photos que vous faites ne sont pas dignes d’intérêt parce qu’elles sont faites avec un film mais parce que c’est vous, derrière le viseur avec votre œil et votre sensibilité. Elles racontent et raconteront une histoire sur pellicule, sur un capteur numérique ou sur le prochain je-ne-sais-quoi que la technologie va nous pondre. Je sais que je continuerais à lire votre blog, en argentique ou non
Didier
PS: Vous même scannez vos films on n’est plus tout à fait dans l’argentique. Combien de rouleaux avez vous détruits en rayant votre film un soir de fatigue parce que le passe-vue de l’agrandisseur était mal fermé ou mis de travers ou que le film était tombé avant d’être sec ?
PS 2: Je déteste faire de la pub, mais jetez un œil au boîtiers Fujifilm récents – XT3, XH1 … Ils ont appliqué tout leur savoir faire sur le travail des films et de la couleur à créer des « simulations de film » Couleur et N&B vous pourriez être surpris: on est loin de la froideur toute numérique d’il y a encore 3 ou 4 ans.
C’est sympa de me soutenir Didier. Que ce soit avec un reflex Canon ou un Nikon sans miroir, un Fuji ou un Sony, je produirai encore des images pour des clients, temps que l’on aura besoin d’un professionnel. ( Mais ça non plus, ce n’est pas gagné. ) Finalement, peu importe le matériel. Je n’éprouve aucun plaisir à travailler en numérique. Les reflex 5D sont dans le sac photo depuis deux mois. Par contre, c’est un réel plaisir de photographier en argentique, tout comme dessiner au fusain n’est pas comparable à la tablette tactile et le stylé.
Tu as raison Fred, le monde de l’argentique est celui de la senibilité, de la jubilation, du sensitif. Mais le boulot, c’est le boulot… Tu ne peux pas savoir ce que je savoure d’être à la retraite depuis dix ans (!). J’ai l’habitude de dire que je n’attendais que ça, depuis que j’avais abandonné la photo.
Le numérique, digital, vocabulaire qui ne signifie qu’une chose : rapport, fric. Les pubeux ont contaminé les fabricants de matériels pour obtenir des images préfabriquées et sans âme. Reste, dans ton cas, le plaisir des rapports avec les clients. Courage camarade !
Dommage, j’aurais dû te connaître bien avant Patrice. J’aurais appris un tas de choses et pas seulement en photo. Les industriels nous bassinent avec leurs nouveautés nouvelles qui révolutionnent le monde de la photo tous les six mois alors que nos clients ne voient pas la différence. Il est impossible de travailler avec du matos âgé de plus de deux ans. Toutes les raisons sont bonnes : la mise au point, les photos de nuit et tout le blabla du marketing. Mais comment faisaient-ils les pros en l’an 2000 ? Eh bien on faisait comme maintenant, on prenait des photos de sport en salle, des photos de mariés sur la piste de danse, etc … Je crois savoir que la photo existait avant l’an 2000.
En un mot : la photo argentique, c’est pas sérieux !
Dès le début je disais : « L’argentique est à l a photo ce que William Saurin est au cassoulet ! » Je n’ai pas changé d’avis.
Hello,
La photo de rue ( ou pas ), argentique ( ou pas ), nourrit elle tout simplement aussi « facilement » qu’avant ?
Stef
Certains galèrent et d’autres en vivent très bien.
Le 4 mai, j’ai commis une erreur que je corrige : « Le numérique est à la photo ce que William Saurin est au cassoulet ». Je m’excuse pour l’erreur qui n’avait pas de sens et je confirme.
Je pensais récemment à un autre avantage de l’argentique : la correction au tirage sous l’agrandisseur, avec expositions diverses et ciblées pour aller chercher la matière dans le film, notamment en cas de zones surexposées.. Allez donc corriger avec un scanner ou une imprimante… Que seraient devenues les photos d’Avedon (Picasso), de Pen et de tous les autres ?