L’exercice du noir et blanc dans la lumière de la rue

Une belle lumière d’hiver comme celle d’hier ravit le photographe. Dans la rue, le noir et blanc prend tout son sens. Les ombres découpent la scène et n’en révèlent qu’une partie. L’astuce pour obtenir des ombres dures, c’est d’effectuer la mesure dans les zones claires, l’exercice préféré des connaisseurs. On a le choix entre lumière incidente et lumière réfléchie. Cela s’apprend. Ce n’est pas compliqué. Sinon, la solution la plus simple quand on ne dispose pas de posemètre à main ni de cellule sur le boîtier, c’est d’exposer votre pellicule Ilford FP4 à F/16 et au 1/125 quand le soleil brille ou votre Kodak Tri-X à F/16 et au 1/500. D’où l’intérêt du mode manuel sur les appareils argentiques.

Évidemment, qui dit grand soleil, dit diaphragme fermé et/ou vitesse rapide. Le trop plein de lumière peut poser problème à ceux qui veulent absolument une faible profondeur de champ. Si vous tenez à opérer à F/2,8,  il faudra compenser la grande ouverture par une vitesse élevée. C’est une question d’équilibre. Lorsqu’on augmente les valeurs d’un côté de la balance, il faut baisser d’autant de l’autre côté. On ne peut échapper à cette loi physique. Or, les vieux reflex grand public et autres formats dépassent rarement le 1/1000. Ceux qui possèdent un Nikon F5 ou un Canon EOS 3 ont la chance d’atteindre un déclenchement au 1/8000 mais cela ne résoud pas tout. Aux extrêmes, commence à apparaître le souci de la réciprocité. Le film ne se comporte plus de la même manière aux vitesses ultra rapides et ouvertures maximales. Le rendu se dégrade.

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La solution, c’est de recourir à une sensibilité minimale lorsqu’on est confronté à une forte luminosité. Une pellicule de 100 ISO autorise une grande ouverture et une vitesse d’obturation plus raisonnable. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux éviter les 400 ISO en plein soleil. Personnellement, j’aime beaucoup la Kodak Tri-X 400 quand je photographie dans la rue. Je l’apprécie pour son grain typique et son rendu des valeurs de gris. Du coup, en plein soleil, j’oublie les effets de style obtenus avec une faible profondeur de champ. Mon objectif est souvent fermé aux alentours du F/16. Dans ce cas de figure, ce qui compte pour moi c’est le respect des contrastes et une belle exposition. Les occasions pour travailler la faible profondeur de champ ne manquent pas.

On peut aussi régler le problème de la limitation de la vitesse en plaçant un filtre de densité neutre. Ce filtre vissant vient atténuer la quantité de lumière entrante et permet de descendre les vitesses parfois à des niveaux très bas. Il faut donc choisir la densité du gris en fonction de ses besoins ou envies. Cet accessoire est très utile sur les appareils argentiques dont la vitesse maximale autorisée est de 1/500. Mais ils le sont tout autant quand on photographie constamment avec du film 400 ISO. J’ai un filtre Hoya ND8 que je n’utilise en fait jamais. Il était destiné au ZUIKO 50 mm monté sur l’Olympus OM-2000. J’avais comme projet d’enregistrer des scènes de rue en vitesse lente, en dessous du 1/30. Un jour, je prendrai le temps de développer cette idée.

Il existe des films encore moins sensibles à la lumière, de l’ordre de 50 ou 25 ISO. Ils sont plutôt rares et chers et sont réservés à des usages spécifiques. Un film 100 ISO comme l’Agfa APX 100 ou la Rollei Retro 80s est un bon compromis. L’Agfa possède un rendu agréable dans les gris moyens. Elle convient à tout type de sujets et se comporte très bien dans les hautes lumières comme les basses lumières. J’en avais fait mon support favori en remplacement de l’Ilford FP4 parce que son prix reste abordable. La Rollei Retro 80S, c’est une autre histoire. Je la trouve beaucoup moins polyvalente que l’Agfa. Je n’étais pas emballé par ce film aux premiers essais mais depuis, je l’ai numérisée à nouveau et porté un autre regard sur cette pellicule d’entrée de gamme. Vous en avez un aperçu avec le tirage ci-dessus.

La Rollei Retro 80s n’est pas si mal finalement. Avec un peu de recul, les derniers scans me semblent plus acceptables. Quand il s’agit de photos prises dans la rue, les nuances de gris n’ont pas nécessairement la même importance qu’en photographie de portrait. Les contrastes suffisent à valoriser la scène. Au départ, je lui reprochais une trop grande similitude avec le numérique : manque de subtilité dans les nuances, noirs bouchés, blancs cramés. Si un film argentique ne fait pas mieux que le numérique, quel intérêt ? Le rendu décevant peut s’expliquer par les forts contrastes. Il faut dire que les premiers essais avec ce film ont eu lieu dans la rue sous une lumière intense. Qu’en est-il par un temps gris ? Quel serait le rendu si on expose la Retro 80s à une lumière plus douce et diffuse ?

Je pense lui donner une nouvelle chance. Je ferai une tentative cet hiver avant le rush des mariages. J’irai peut-être en bord de mer chercher d’autres lumières naturelles avec le Canon EOS 30v et un objectif 28-105 standard. Ce sera l’occasion de réaliser de nouveaux exercices en noir et blanc en vue de proposer de nouveaux tirages. J’ai pu feuilleter le dernier ouvrage qui regroupe les photos de Jacques Henri Lartigue « Un dandy de la plage ». La lumière est magnifique dans ses photographies. Les détails vestimentaires et l’architecture et l’ambiance du littoral de la belle époque sont formidablement retranscrit. C’est évident, il maîtrisait la lumière naturelle à la perfection. Ses photographies datent du début de ce siècle mais restent incroyablement modernes. Ce livre fera un excellent cadeau de Noël pour les passionnés de noir et blanc.

La lumière est l’élément le plus important en photographie. Même avec le plus beau des sujets, la photo n’est rien sans la lumière. Étudier le noir et blanc dans la lumière est un exercice essentiel dans la compréhension de la photographie.

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