Les photos de l’entre deux : ni bonnes ni mauvaises.
J’ai dû scanner à nouveau toute la série noir et blanc réalisée à Ypres en Belgique. Je n’ai pas su récupérer les photos stockées sur le disque dur tombé en panne. Dans le lot, il y avait cette vue n°36 qui me pose toujours problème. C’est une photo prise avec un appareil 24 x 36 que j’ai découpée au format carré. L’originale ne me convenait pas dans son format vertical laissant trop d’espaces vides en haut et en bas. J’ai vaguement essayé de trouver un compromis en la recadrant. J’ai même tenté un recadrage à l’horizontal, mais sans succès. Quelque chose d’autre m’ennuyait déjà à l’époque où je l’avais scannée la première fois, c’est la mauvaise répartition des passants dans le cadre. Et forcément, je ne vois que ce défaut maintenant et j’éprouve une sorte de frustration car cette photo fait partie des images de l’entre deux comme beaucoup d’autres. Elles sont ni bonnes ni mauvaises .
En l’observant avec un œil neuf et avec du recul, je me rends compte qu’elle méritait mieux. Je n’ai pas su déclencher au bon moment. Si la première personne à vélo était plus à droite, on aurait mieux distingué son visage sur le fond noir. Ensuite, le coin de l’image en bas à droite est désespérément vide. Une autre personne aurait été la bienvenue, même un bras ou une jambe auraient apporté un meilleur équilibre à cette image. D’ailleurs, je pense que c’est exactement ce qu’il fallait, une moitié de corps pour fermer l’image. Ici, tout est dans l’art de choisir le bon timing quand les éléments se mettent en place avec exactitude comme dans un tableau ou une scène de cinéma avec des figurants. Ce n’est pourtant pas compliqué de réaliser ce genre d’image. L’unique intérêt de ce type de photo réside dans l’occupation intelligente de l’espace. Parce qu’après tout, il n’y a pas grand chose à voir à cet endroit. Le cadre étant défini, il suffisait d’être patient et d’attendre une meilleure composition de l’ensemble.
Ce jour-là, j’étais avec un ami et je lui expliquais qu’il faut être réactif lorsque l’on fait de la photo de rue. Je lui montrais comment préparer son appareil photo, notamment en basculant en mode manuel et en utilisant l’hyper focale. Malheureusement pour moi, j’ai confondu réactivité et précipitation. Être rapide ne signifie pas déclencher vite à tout instant sans réfléchir. Il faut savoir être prêt et attendre le moment opportun, sinon cela n’a aucun intérêt de photographier ce genre de scène dans la rue. J’ai voulu faire le malin et c’est raté. Cela dit, je me suis rattrapé un peu plus tard. Je suis retourné à Ypres pour photographier la ville, toujours en noir et blanc argentique. Seul, j’ai pu me concentrer sur mes actions et choisir de façon un peu plus pertinente les instants. J’en parlerai une prochaine fois. Allez, je retourne à mes scans. Bonnes photos à toutes et à tous.
Bonjour Fred,
Je reprends vos mots « Il faut savoir être prêt et attendre le moment opportun, sinon cela n’a aucun intérêt de photographier ce genre de scène dans la rue. » J’ai appris à mes dépends qu’il fallait être patiente, voire savoir anticiper, être comme le chasseur à l’affût de sa proie si je peux me permettre cette expression … nous sommes des chasseurs d’instants de vie, de la magie des expressions … Bonne journée entre les scans !
R
J’ai vraiment l’impression que nous sommes proches. Merci de votre soutien. Très touché.
« La photographie est une brève complicité entre la prévoyance et le hasard. » [ John Stuart Mill]
C’est toujours d’actualité et c’est aussi ce qui fait le charme de cette pratique, on peut ainsi faire mieux qu’un « pro » si le hazard nous sourit !
C’est avec une photo « ratée » que l’on apprend, pour autant qu’on l’analyse de façon pertinente comme tu viens de le faire.
Merci, c’est sympa. Oui, c’est en analysant ce qui ne va pas dans mes images que j’ai pu progressé. le chemin est encore long. Je suis assez lent en fait.
Excellente réflexion. Savoir être patient dans son évolution, et… réactif à bon escient sur le terrain!!! Tout un programme!!!