Que fait-on de toutes ces photographies inclassables ?
Les négatifs noir et blanc s’amoncellent. Même si on photographie moins souvent, les images sans histoires s’accumulent et prennent de la place dans les boîtes d’archives. On pourrait éliminer celles qui n’ont pas d’importance, celles qui ne représentent rien émotionnellement et qui ne se rattachent à aucun souvenir en particulier. En numérique, ce n’est pas compliqué, un petit clic suffit pour faire disparaître à jamais tout ce qui encombre la mémoire. Mais en argentique, c’est un peu plus délicat. On ne va pas découper les bandes de négatifs en morceaux histoire de ne conserver que le meilleur.
Du coup, on se retrouve avec d’innombrables images qui ne veulent rien dire ou qui n’ont d’autre intérêt que de faire parti d’un tout. Il y a souvent des temps morts sur un même film. Les planches contact nous incitent à faire le tri et conserver l’essentiel. Si on veut être intransigeant et honnête avec soi-même, bien souvent, seules trois ou cinq prises valent la peine d’être montrées. Mais que faire de toutes ces photographies d’entre deux ?
L’un de mes disques durs a rendu l’âme. Dessus étaient stockées plus de 4500 photographies argentiques scannées une par une avec soin. Ce ne sont pas des photos essentielles mais c’est tout de même ennuyeux. Les photos les plus importantes sont dupliquées sur d’autres supports. Heureusement, je peux toujours numériser les négatifs concernés si nécessaire mais c’est rageant de devoir recommencer tout ce travail. Du coup, je m’inquiète pour les 30 000 autres photos dispersées sur d’anciens disques durs externes plus ou moins fiables. Même avec les différentes sauvegardes et copies simultanées, je ne suis pas rassuré.
Dans cette collection d’images hétéroclites, beaucoup ne seront jamais imprimées ni reprises dans un livre photo mais je n’ai pas pour autant envie de jeter aux oubliettes plusieurs milliers de souvenirs. Elles sont là, elles existent et c’est bien comme ça. J’ai eu l’immense plaisir de les créer avec les pellicules que j’aime, de les numériser et de les classer dans Adobe Bridge. Et même si elles n’ont pas beaucoup de valeur, ces photos argentiques me servent à alimenter le blog Histoires de photos. Si une image me vient en tête, il me suffit de lancer une recherche par thématique, mots clés, date, genre ou lieu de prise de vue et le tour est joué. Là, je vais devoir ressortir les classeurs de négatifs et me remettre au scan.
J’ai ressorti les anciens négatifs noir et blanc que je pourrais numériser à nouveau pour accompagner les prochains sujets. Instinctivement, l’envie d’opérer une sélection refait surface. Celle-ci pourrait me servir à parler de tel sujet tandis que les autres souligneront bien mes propos si je veux défendre telle ou telle idée. Mais au lieu de prélever uniquement les images qui me parlent, j’ai choisi celles que j’avais oubliées et qui n’offrent pas grand intérêt quand elles sont isolées.
Par contre, je trouve plus intéressant de constituer une collection même s’il n’y a pas vraiment d’unité entre toutes ces photos. Elles sont issues de sorties photos de groupe ou extraites de séries diverses et variées. Ensemble, elles me donnent une idée du parcours tortueux effectué ces dernières années et des thèmes qui m’ont plus ou moins inspiré. C’est peut-être le commencement d’une nouvelle manière d’envisager la photo, non comme la construction de séries homogènes et bien carrées mais comme une collection d’images reflétant l’évolution de mes humeurs, de mes inspirations sans oublier les bouts d’essais.
Je trouve ta démarche de donner une seconde vie aux photos « sans valeur » intéressante. Reparler des backups est aussi indispensable, une étape autant importante que la prise de vue; il faut avoir une méthode de sauvegarde efficace et qui nous donne une bonne assurance. Dans l’un de tes derniers tweet tu disais « Gris…tout est gris! ». Alors, justement, utiliser les temps morts pour ce genre de travaux me paraît une bonne idée (là je parle pour celles et ceux qui débutent en photo).