Je suivais les berges fraîchement dégagées le long du canal. La lumière d’automne était belle et le cadre idéal. J’avais l’opportunité de jouer intelligemment avec les contrastes. Je venais de mettre une nouvelle pellicule dans l’appareil photo. J’étais prêt.
Pourtant, je n’ai pas osé m’approcher. Voilà cinq jours que je n’ai pas photographié l’humain. Aurais-je déjà perdu mon assurance ? Quand le sujet s’est présenté devant moi, j’aurais pu m’avancer rapidement sans être vu et prendre mon temps pour déclencher. Il était à dix mètres à peine, dix mètres de trop. Il allait bientôt entrer dans la lumière exactement là où je le voulais. J’avais encore le temps de m’approcher. Les réglages de l’appareil étaient calés en manuel, il n’y avait plus qu’à. La silhouette du vieil homme devait se détacher du fond clair. Encore une dernière hésitation mais mes pieds n’ont pas bougé. J’ai appuyé sur le déclencheur sans conviction. Le chapeau bas et la marche lente, l’homme à la canne s’en est allé. Trop tard, l’image parfaite n’était plus possible. A force d’hésiter, j’ai raté une bonne photo.
La photo ci-dessus date de l’été dernier et n’a donc rien à voir avec cette histoire. Il faudra encore attendre quelques temps avant de découvrir le résultat d’aujourd’hui. C’est aussi ça l’argentique, savoir attendre.
La photo de rue rapprochée n’est malheureusement pas comme la bicyclette…on oublie vite! Ce n’est pas un acte naturel, on perd très vite ses repères. Il faut souvent mettre l’ouvrage sur le métier. Il faut aussi un temps d’échauffement; pour ma part je compte 20-30 minutes. C’est aussi ça qui fait son charme. Non, la photo de rue est difficile et là je sais que je ne t’apprend rien.
C’est ce qui m’arrive tout le temps d’où pourquoi j’ai si peu de photo de street.
Ne vous plaignez pas, une photo est prise ou elle n’existera jamais. HCB à donné l’explication, pour prendre une photo il faut aligner, l’œil, le cœur et la main.
Je crois que HCB a plutôt dit: il faut aligner la tête l’œil et le cœur…et ma caméra n’est que le prolongement de mon oeil.
Je vous rassure. tout ceci n’est qu’anecdotique; des photos, j’en ai loupé des milliers durant ces vingt années de pratique. Et j’en louperai encore. Et cela arrive aussi aux grands photographes.